Du point de vue technique, il se présenterait ainsi : seule la guerre permet de mobiliser la totalité des moyens techniques de l’époque actuelle en maintenant les conditions de propriété. On ne saurait juger exactement la réception de l’architecture en songeant au recueillement des voyageurs devant les édifices célèbres. La guerre est belle, parce qu’elle enrichit un pré fleuri des flamboyantes orchidées des mitrailleuses. [5] Alexandre Arnoux de son côté achevant une fantaisie sur le film muet, va même jusqu’à demander : En somme, tous les termes hasardeux que nous venons d’employer ne définissent-ils pas la prière ? Volée, elle est perdue à jamais, quand bien même on en garderait une reproduction. Ici, la comparaison à la peinture s’impose une fois de plus. Dans cette guerre, la technique insurgée pour avoir été frustrée par la société de son matériel naturel extorque des dommages-intérets au matériel humain. Ainsi, dans l’antique vérité hératiclienne - les hommes à l’état de veille ont un seul monde commun à tous, mais pendant le sommeil chacun retourne à son propre monde - le film a fait une brèche, et notamment moins par des représentations du monde onirique que par la création de figures puisées dans le rêve collectif, telles que Mickey Mouse, faisant vertigineusement le tour du globe. Mais que dire alors de certains formats contemporains, des medium qui supportent l'expression artistique? Les révolutions sont les innervations de l’élément collectif ou, plus exactement, les tentatives d’innervation de la collectivité qui pour la première fois trouve ses organes dans la seconde technique. Et dans ses laboratoires chimiques elle a trouvé un procédé nouveau et immédiat pour supprimer l’aura. ART (L'art et son objet) - L'œuvre. Il n’y a pas encore assez de respect, de culte pour ce qu’elles expriment. L’hilarité collective représente l’explosion prématurée et salutaire de pareilles psychoses collectives. Son statut de rituel fait qu’elle n’est pas accessible à tous (ex : la statue d’un temple n’est visible que pour le prêtre). C’est précisément parce que cette technique ne vise qu’à libérer davantage l’homme de ses corvées que l’individu voit tout d’un coup son champ d’action s’étendre, incommensurable. À de grands intervalles dans l’histoire, se transforme en même temps que leur mode d’existence le mode de perception des sociétés humaines. Tous les efforts d’esthétisation politique culminent en un point. La réception dans la distraction, qui s’affirme avec une croissante intensité dans tous les domaines de l’art et représente le symptôme de profondes transformations de la perception, a trouvé dans le film son propre champ d’expérience. L'oeuvre d'art est-elle reproductible ? 4! " S’habituer, le distrait le peut aussi. Il est du principe de l’oeuvre d’art d’avoir toujours été reproductible. Le hic et nunc de l’original forme le contenu de la notion de l’authenticité, et sur cette dernière repose la représentation d’une tradition qui a transmis jusqu’à nos jours cet objet comme étant resté identique à lui-même. L'œuvre d'art est souvent perçue comme une œuvre unique qui aurait une « aura » singulière. Eléments du langage qui associent d'une façon conventionnelle une suite de sons et un concept. Elle ne saurait être fixée. La guerre est belle, parce qu’elle unit les coups de fusils, les canonnades, les pauses du feu, les parfums et les odeurs de la décomposition dans une symphonie. La singularité de la prise de vues au studio tient à ce que l’appareil se substitue au public. Entre-temps, le processus du travail, surtout depuis sa normalisation par le système de la chaîne, soumet tous les jours d’innombrables ouvriers à d’innombrables épreuves de tests mécanisés. À ses yeux, l’esthétique de la guerre contemporaine se présente de la manière suivante. Leur importance tient au fait même d’exister, non au fait d’être vues. Sans doute seul ce témoignage est-il atteint, mais en lui l’autorité de la chose et son poids traditionnel. Car ce n’est pas seulement la seconde technique qui, dans les révolutions, annonce les revendications qu’elle adressera à la société. Il est en outre certain que la portée historique de cette transformation des fonctions de l’art, manifestement déjà fort avancée dans le film, permet la confrontation avec la préhistoire de manière non seulement méthodologique mais matérielle. Une œuvre d’art est, par nature, un bien exceptionnel, a priori unique et non reproductible, découlant de l’idée et de la main de l’homme. Du coup, l’oeuvre d’art va se définir par opposition à l’ouvrage d’art. Mais aux premiers comme aux seconds elle apparaissait dans tout son caractère d’unicité, en un mot dans son aura. Il se mesure aux épreuves que la nature lui fixe, non à celles d’un appareil quelconque - à quelques exceptions prés, tel Nurmi qui, dit-on, courait contre la montre. Il s'agit là d'un concept essentiel puisqu'il est une condition fondamentale de la protection intellectuelle de l'oeuvre. Ce à quoi échappe l'oeuvre, c'est donc à une relation d'identité avec un autre artefact artistique: en cela, elle est inattendue, surprenante. À l'ère de la reproductibilité, l'œuvre d'art semble perdre cette singularité, elle est désacralisée. Dans cette dernière, l’unicité et la durée sont aussi étroitement confondues que la fugacité et la reproductibilité dans le cliché. La dispute qui s’ouvrit, au cours du XIXe siècle, entre la peinture et la photographie, quant à la valeur artistique de leurs productions respectives, apparaît de nos jours confuse et dépassée. Bonjour, Au lieu d’ensemencer la terre du haut de ses avions, elle y sème l’incendie. Qu'est Ce Qu'une Oeuvre D'art. C’est à cette circonstance qu’est due leur position exclusive dans l’histoire de l’art, qui devait servir aux générations suivantes de point de repère. Cette tâche, le film ne l’accomplit pas seulement par la manière dont l’homme peut s’offrir aux appareils, mais aussi par la manière dont il peut à l’aide de ses appareils se représenter le monde environnant. Il devient ainsi tangible que la nature qui parle à la caméra, est autre que celle qui parle aux yeux. La production artistique commence par des images au service de la magie. Avec la gravure sur bois, le dessin fut pour la première fois mécaniquement reproductible il le fut longtemps avant que l’écriture ne le devînt par l’imprimerie. La prolétarisation croissante de l’homme d’aujourd’hui, ainsi que la formation croissante de masses, ne sont que les deux aspects du même phénomène. Aussi est-il plus important d’insister sur ce rapport évident avec les pratiques des régimes autoritaires, que sur les restrictions résultant de la langue mais bientôt levées par la synchronisation. Mais dès l’instant où le critère d’authenticité cesse d’être applicable à la production artistique, l’ensemble de la fonction sociale de l’art se trouve renversé. Est-il possible d’avoir le texte original en japonais de l’arbre (...), Nouvel link pour l’audiolivre : http://www.bibliboom.com/pages/titres/la-croisade, Tim Robinson, cartographe de l’espace multiple, Eric Rohmer, Claire, et la collectionneuse, Utilisation des articles et droits d’auteurs, Inscrivez-vous à la Lettre électronique de la RdR. 28 février : Quelle place pour les paysans résistants à l’heure du Salon de l’Agriculture ? L'originalité fait en principe signe vers la singularité de l'oeuvre, soit son émancipation d'un modèle pré-établit qu'elle viendrait préalablement copier. La réponse devra tenir compte du travail particulier de l’interprète de film. De tout temps elle offrit le prototype d’un art dont la réception réservée à la collectivité s’effectuait dans la distraction. Le disque compact que j'écoute et qui reproduit une performance de musiciens en studio, la bobine qui tourne dans l'obscure salle de cinéma où je me trouve, ne sont-ils pas les copies d'un original? Nous rappellerons qu’il ne s’agit point ici d’épreuve sportive, mais uniquement d’épreuves de tests mécanisés. Mais la lithographie en était encore à ses débuts, quand elle se vit dépassée, quelques dizaines d’années après son invention, par celle de la photographie. Telles sont quelques-unes des interrogations qui parcourent les enquêtes et les réflexions croisées des historiens et des littéraires, des récits romanesques aux discours de l'histoire de l'art ou à … La quantité se transmue en qualité : les masses beaucoup plus grandes de participants ont produit un mode transformé de participation. Je n'arrive pas vraiment à démarrer. Avant tout, elle lui permet de venir s’offrir à la perception soit sous forme de photographie, soit sous forme de disque. Une antique statue de Vénus était autrement située, par rapport à la tradition, chez les Grecs qui en faisaient l’objet d’un culte, que chez les clercs du Moyen-ge qui voyaient en elle une idole malfaisante. Tout d’abord, la reproduction mécanisée s’affirme avec plus d’indépendance par rapport à l’original que la reproduction manuelle. L’homme qui, un après-midi d’été, s’abandonne à suivre du regard le profil d’un horizon de montagnes ou la ligne d’une branche qui jette sur lui son ombre - cet homme respire l’aura de ces montagnes, de cette branche. Il est évident que l’apothéose de la guerre par l’état totalitaire ne se sert pas de pareils arguments, et cependant il sera profitable d’y jeter un coup d’oeil. Dans l'art classique, où l'œuvre est détournée de toute utilité, dans laquelle l'art est sa propre fin, l'opposition est nette entre œuvre d'art et les 29 Pages • 1602 Vues. La réception des œuvres d'art oscille entre une accentuation de leur valeur cultuelle ou de leur valeur d’exposition. Le fait pourrait aussi se caractériser comme suit : pour la première fois - et c’est là l’oeuvre du film - l’homme se trouve mis en demeure de vivre et d’agir totalement de sa propre personne, tout en renonçant du même coup à son aura. Dans les grands cortèges de fête, les assemblées monstres, les organisations de masse du sport et de la guerre, qui tous sont aujourd’hui offerts aux appareils enregistreurs, la masse se regarde elle-même dans ses propres yeux. Les Grecs telle fin. Ce n’est que dans ces illustrés que les légendes sont devenues obligatoires. Autre You can write a book review and share your experiences. Et comme l’oeil perçoit plus rapidement que ne peut dessiner la main, le procédé de la reproduction de l’image se trouva accéléré à tel point qu’il put aller de pair avec la parole. C’est une persistance en amont, une mémoire vitale, irréductible, organique, en millième de ton, en rien divine. L’intervention d’un comité de spécialistes dans une performance donnée est caractéristique du travail sportif et, en général, de l’exécution d’un test. À dépasser certaine limite qui restreint étroitement la valeur sociale d’épreuves de test. Et pourtant, à l’époque de ces spéculations, des oeuvres telles que L’Opinion publique et La Ruée vers l’or se projetaient sur tous les écrans. Cependant, il n'est pas certain et que la reproduction soit de même valeur, et tout à la fois que l'oeuvre initiale soit « contaminée « par cette reproduction. Or, ce mode de réception, élaboré au contact de l’architecture, a dans certaines circonstances acquis une valeur canonique. L’oeuvre d’art est elle une création destinée à la contemplation qui saura exprimer et communiquer plus qu’une autre le plaisir, la soif, la douleur ou la rage de créer. Le magicien maintient la distance naturelle entre le patient et lui ou, plus exactement, s’il ne la diminue - par l’imposition des mains - que très peu, il l’augmente - par son autorité - de beaucoup. II s’agit avant tout de l’éclairage dont l’installation oblige à filmer un événement qui, sur l’écran, se déroulera en une scène rapide et unique, en une suite de prises de vues distinctes qui peuvent parfois se prolonger des heures durant au studio. En cette première moitié de XX e siècle, le philosophe s’inquiétait de ce qu’il appelait le « déclin de l’aura » des œuvres, à cause des nouveaux moyens de reproduction emblématisés notamment par l’invention de la photographie. Que l’on compare la toile sur laquelle se déroule le film à la toile du tableau ; l’image sur la première se transforme, mais non l’image sur la seconde. L’État totalitaire cherche à donner une expression à cette tendance tout en maintenant les conditions de propriété. Or, la seconde technique est à peine assurée de ses premières acquisitions révolutionnaires, que déjà les instances vitales de l’individu, réprimées du fait de la première technique l’amour et la mort aspirent à s’imposer avec une nouvelle vigueur. En quoi consiste-t-elle ? De ces objets, de ces phénomènes, l'esprit abstrait des propriétés communes. Qualité ou signification d'une chose abstraite (le vrai, le bien). [14] Le film représente la forme d’art correspondant au danger de mort accentué dans lequel vivent les hommes d’aujourd’hui. L’époque de l’invasion des Barbares, durant laquelle naquirent l’industrie artistique du Bas-Empire et la Genèse de Vienne, ne connaissait pas seulement un art autre que celui de l’Antiquité, mais aussi une perception autre. Nombre de genres d’art se sont élaborés pour s’évanouir. C’est ce qui fait leur incomparable beauté, toute chargée de mélancolie. Car interprète de l’écran ne joue pas devant un public, mais devant un appareil enregistreur. Et il est clair qu’elles ont un tout autre caractère que les titres de tableaux. Pour l’étude de ce standard, rien n’est plus révélateur que la manière dont ses deux manifestations différentes reproduction de l’oeuvre d’art et art cinématographique se répercutèrent sur l’art dans sa forme traditionnelle. Une fois n’est rien - c’est la devise de la seconde technique (dont l’objet est de reprendre, en les variant inlassablement, ses expériences). 176-177. Merci par avance, Que sont donc ces événements reproduits dans le film, s’il est clair que ce ne sont point des oeuvres d’art ? Ainsi le regard est-il progressivement porté de la production à son producteur, de l'oeuvre concrête à l'intention de l'artiste. A. Geers, Vernissage le jeudi 6 septembre 2018 à 19h Car elles annoncent cette vérité décisive : la reproduction mécanisée, pour la première fois dans l’histoire universelle, émancipe l’oeuvre d’art de son existence parasitaire dans le rituel. Un cliché photographique, par exemple, permet le tirage de quantité d’épreuves : en demander l’épreuve authentique serait absurde. On en mesurera toute l’étendue au fait que le sentiment d’étrangeté de l’interprète devant l’objectif, décrit par Pirandello, est de même origine que le sentiment d’étrangeté de l’homme devant son image dans le miroir - sentiment que les romantiques aimaient à pénétrer. Mais comment définir par ailleurs cette idée même d'originalité? C’est d’elle qu’est ultérieurement issue une théologie négative sous forme de l’idée de l’art pur, qui refuse non seulement toute fonction sociale, mais encore toute détermination par n’importe quel sujet concret. Soit une classe d'objets, de phénomènes. Il est indispensable de tenir compte de ces circonstances historiques dans une analyse ayant pour objet l’oeuvre d’art à l’époque de sa reproduction mécanisée. Évidemment, l’interprète de l’écran ne cesse pas un instant d’en avoir conscience. C’est apparemment là le parachèvement de l’art pour l’art. Le mode d'être même d'une oeuvre d'art semble avant tout être l'unicité. On goûte sans critiquer le conventionnel - on critique avec dégoût le véritablement nouveau. Par le film est devenue décisive une qualité que les Grecs n’eussent sans doute admise qu’en dernier lieu ou comme la plus négligeable de l’art : la perfectibilité de l’oeuvre d’art. En exil non seulement de la scène, mais encore d’eux-mêmes. L ’acteur de scène s’identifie au caractère de son rôle. C’est ainsi que, de ces deux modes de représentation de la réalité - la peinture et le film - le dernier est pour l’homme actuel incomparablement le plus significatif, parce qu’il obtient de la réalité un aspect dépouillé de tout appareil - aspect que l’homme est en droit d’attendre de l’oeuvre d’art précisément grâce à une pénétration intensive du réel par les appareils. C'est une manière de nous apprendre à regarder toute chose sous un angle nouveau. L’authenticité d’une chose intègre tout ce qu’elle comporte de transmissible de par son origine, sa durée matérielle comme son témoignage historique. Car l’œuvre d’art s’obstine à affirmer son statut particulier. Les forces constructives de l’humanité y répondent par la politisation de l’art. Ce culte trouve son complément dans le culte du public, culte qui favorise la mentalité corrompue de masse que les régimes autoritaires cherchent à substituer à sa conscience de classe. Mais il y a également possibilité de reproduction avec la photographie ou le cinéma. [12] L’archétype théologique de ce recueillement est la conscience d’être seul à seul avec son Dieu. Documents relatifs. Dès 1932, Arnheim considère comme dernier progrès du film de n’y tenir l’acteur que pour un accessoire choisi en raison de ses caractéristiques... et que l’on intercale au bon endroit [9]. [9] Rudolf ARNHEIM, Der Film als Kunst, Berlin, 1932, pp. L’unicité de l’oeuvre d’art ne fait qu’un avec son intégration dans la tradition. Au lieu de canaliser des cours d’eau, elle remplit ses tranchées de flots humains. [13] Georges DUHAMEL, Scènes de la vie future, Paris, 1930, p. 52. Un film achevé n’est rien moins qu’une création d’un seul jet ; il se compose d’une succession d’images parmi lesquelles le monteur fait son choix - images qui de la première à la dernière prise de vue avaient été à volonté retouchables. Le geste de saisir le briquet ou la cuiller nous est-il aussi conscient que familier, nous ne savons néanmoins rien de ce qui se passe alors entre la main et le métal, sans parler même des fluctuations dont ce processus inconnu peut être susceptible en raison de nos diverses dispositions psychiques. Voici sa bibliographie où l’on trouvera de nombreuses publications dédiées à l’image dont plusieurs au cinéma : http://www.leseditionsdeminuit.com/f/index.php?sp=livAut&auteur_id=1524. S’il est vrai que cela ne vaut pas exclusivement pour l’oeuvre d’art, mais aussi pour un paysage qu’un film déroule devant le spectateur, ce processus atteint l’objet d’art - en cela bien plus vulnérable que l’objet de la nature - en son centre même : son authenticité. Ces épreuves s’établissent automatiquement : est éliminé qui ne peut les soutenir. Ce témoignage, reposant sur la matérialité, se voit remis en question par la reproduction, d’où toute matérialité s’est retirée. Il correspond à des transformations profondes dans les modes de perception transformations telles qu’éprouve, sur le plan de l’existence privée, tout piéton des grandes villes et, sur le plan historique universel, tout homme résolu à lutter pour un ordre vraiment humain. Le travail lui-même prend la parole. A part certaines circonstances fortuites telles que la location du studio, le choix et la mobilisation des partenaires, la confection des décors et autres accessoires, ce sont d’élémentaires nécessités de machinerie qui décomposent le jeu de l’acteur en une série de créations montables. Le Desir Et L'oeuvre D'art « La satisfaction, le bonheur, comme l'appellent les hommes, n'est au propre et dans son essence rien que de négatif , en elle, rien de [8]. La chose décisive est qu’il s’agit de jouer devant un appareil dans le premier cas, devant deux dans le second. L’une des tâches les plus importantes de l’art a été de tout temps d’engendrer une demande dont l’entière satisfaction devait se produire à plus ou moins longue échéance. La question est donc double: pourquoi cette dépréciation de la copie, et ce privilège encore accordé au modèle? Avec raison, on a dit qu’il les photographiait comme le lieu d’un crime. Car il n’existe rien dans la perception tactile qui corresponde à ce qu’est la contemplation dans la perception optique. Les observateurs spécialisés ont depuis longtemps reconnu que c’est presque toujours en jouant le moins possible que l’on obtient les plus puissants effets cinématographiques... . Mais il y affirme déjà ses revendications. Avec la lithographie, la technique de reproduction atteint un plan essentiellement nouveau. [6] Il est significatif de constater combien leur désir de classer le cinéma parmi les arts, pousse ces théoriciens à faire entrer brutalement dans le film des éléments rituels. Il n’en est pas de même au cinéma. Les constructions architecturales sont l’objet d’un double mode de réception : l’usage et la perception, ou mieux encore : le toucher et la vue. Par contre, la masse, de par sa distraction même, recueille l’oeuvre d’art dans son sein, elle lui transmet son rythme de vie, elle l’embrasse de ses flots. Au moyen de la distraction qu’il est à même de nous offrir, l’art établit à notre insu jusqu’à quel point de nouvelles taches de la perception sont devenues solubles. Avec l’émancipation des différents procédés d’art au sein du rituel se multiplient pour l’oeuvre d’art les occasions de s’exposer. Cela vaut surtout pour le film. [5] Séverin-Mars, cité par Abel GANCE, Op. Les architectures ont accompagné l’humanité depuis ses origines. La fonction sociale décisive de l’art actuel consiste en l’initiation de l’humanité à ce jeu harmonien. L’effroi vécu, spontané de l’interprète, enregistré à son insu, pourra s’intercaler dans la bande. De rétrograde qu’elle se montre devant un Picasso par exemple, elle se fait le public le plus progressiste en face d’un Chaplin. Cela coïncida avec la revendication d’intérêts nationaux par les régimes autoritaires. Ici la chose reproduite n’est déjà plus oeuvre d’art, et la reproduction l’est tout aussi peu que dans le premier cas. Cependant, il n'est pas certain et que la reproduction soit de même valeur, et tout à la fois que l'oeuvre initiale soit « contaminée « par cette reproduction. Favorisé par le capital du film, le culte de la vedette conserve ce charme de la personnalité qui depuis longtemps n’est que le faux rayonnement de son essence mercantile. L’oeuvre d’art proprement dite ne s’élabore qu’au fur et à mesure que s’effectue le découpage. Elle la trouve dans la guerre, qui par ses destructions vient prouver que la société n’était pas mûre pour faire de la technique son organe, que la technique n’était pas assez développée pour juguler les forces sociales élémentaires. Elle n’a pas d’utilité pratique, mais des qualités esthétiques. Elles inquiètent celui qui les contemple : il sent que pour les pénétrer, il lui faut certains chemins ; il a déjà suivi pareils chemins dans les journaux illustrés. Le soir venu, ces mêmes masses remplissent les salles de cinéma pour assister à la revanche que prend pour elles l’interprète de l’écran, non seulement en affirmant son humanité (ou ce qui en tient lieu) face à l’appareil, mais en mettant ce dernier au service de son propre triomphe.